Les batailles gagnées

Les actions de l’association « les Frigos APLD 91 » au fil du temps.

Des résultats parfois très étonnants ont été obtenus à l’initiative de notre association, mais aussi, souvent en s’associant à d’autres structures.

Les débuts

1990-1992 UN PREMIER SUCCÈS – Le projet d’aménagement de l’Est de Paris (PRG) voulait faire disparaître notre lieu. Ceci avec le consentement, voire l’aide de Jacques Toubon, maire et ministre de la Culture à ce moment. L’association a été fondée en 1992 pour s’opposer à cela, puisque entre 1980 et 1985 plus de 100 personnes de toutes professions ont signé des contrats de location avec la SNCF, propriétaire. Celle-ci est devenue propriétaire pour le franc symbolique suite au départ de la Compagnie du Froid (CEGF), puis a fixé des loyers sans rapport avec son investissement. Les locataires ayant aménagé entièrement les locaux avec leurs propres deniers, ce départ annoncé ne pouvait être accepté. L’association s’est adressée à Jacques Toubon demandant un audit financier pour juger de l’opportunité de l’installation de bureaux en remplacement des ateliers à peine construits.

Ouvertures des fenêtres par les locataires eux-mêmes

Voici la maquette qui figurait à la place des « Frigos » sur la maquette générale du quartier conçue par l’APUR (Ville de Paris).

Cet élément a été arraché par nos soins en public et avec les explications nécessaires. Elle figure maintenant dans notre « collection » documentaire.

Avec d’autres associations de quartier et parisiennes (Ecologie pour Paris, Tam-Tam, Ada 13, syndicat de cheminots d’Austerlitz etc.), des événements ont été montés (Tam-Tam était souvent le coordonateur).

Ces événements ont fait connaître au grand public les préoccupations des diverses associations et aussi celles qui concernaient le « 91 quai de la Gare ». Jacques Toubon a renoncé à la démolition. Sans pour autant donner de quelconques garanties…

1996
Pour preuve, en 1996, la SNCF en accord avec l’aménageur et pour lui vendre les terrains a décidé de faire partir les locataires des ateliers annexes appelés « Mitjavile ». Sur l’initiative de l’APLD 91 chaque atelier « libéré » a été pris par un nouvel occupant de manière à empêcher les démolitions. Cela a permis à plus d’une vingtaine d’artisans et d’artistes de s’y installer. Très rapidement le squat s’est structuré. L’APLD 91 a obtenu que les Télécom y installent des lignes, au début refusées. Du sculpteur à l’architecte, aux plasticiens, on y retrouvait le mélange des genres d’avant à l’instar du bâtiment frigorifique.

Parmi les ateliers s’est ouvert le premier lieu collectif de réception et d’événements variés appelé « Aiguillage ».

Cette occupation était un succès de plus à mettre au bénéfice de nos actions. Plus de 25 personnes ont pu y travailler. Un reportage de France 3 en fait foi.

N.B : 1997 un feu s’est déclaré d’une manière peu claire et a détruit deux-tiers du bâtiment. Cela a permis à la SNCF de supprimer le reste y compris la « Maison Rouge » en bon état à proximité.

1997  UN DEUXIÈME SUCCÈS, considérable, est né des actions croisées des associations de quartier, dont la nôtre: la création de la Première Grande Concertation jamais organisée en France. Elle s’inspirait de la Charte de la concertation du ministère de l’Environnement créée à l’origine par Corinne Lepage. Elle a été imposée à la Semapa, une Sem (Société d’aménagement) créée à la demande du Conseil de Paris pour piloter l’aménagement des 130 hectares de Paris Rive Gauche, quartier qui devait se développer, on peut dire, autour des ateliers des ex-Entrepôts Frigorifiques qui fonctionnaient déjà à plein régime.

La première séance fondatrice de la concertation a été présidée par Jacques Toubon. La concertation a été créée: «pour permettre d’améliorer significativement la participation du public à la conception des projets» disait-il.

Ont été entérinés comme interlocuteurs permanents une dizaine d’associations, dont l’APLD 91 (association pour le développement du 91 quai de la Gare dans l’Est parisien.). Pour l’anecdote : le président d’APLD 91 a dû pousser les vigiles et s’installer de force à la table des débats, puisque Jacques Toubon contestait la légitimité de cette association «rebelle». Nous nous sommes imposés avec l’accord des présents. Jacques Toubon a cédé, mais pour « équilibrer » a fait venir une autre association des « Frigos », l’AL (Association des locataires), celle qui n’acceptait que des locataires en son sein, ignorant les sous-locataires et usagers réguliers.…

Des groupes de travail (G.T.) ont été créés pour suivre les projets des 130 hectares de Paris Rive Gauche (PRG). Parmi les G.T. a pris place aussi celui du «91 quai de la Gare» portant le nom de notre association.

1997 UN TROISIÈME SUCCÈS
Deux membres d’APLD 91 ont décidé d’occuper le terrain.

Ainsi a commencé ce qui a été la bataille pour la restitution des ateliers détruits, appelée les «4000m²». Une minorité des occupants des Frigos s’est attelée à la tâche : nettoyage du terrain, achat d’un abri pour y installer un lieu pour recueillir des signatures en soutien. En 2000 et 2001 des concerts et des plantations d’arbres ont consolidé l’occupation. 10 associations, dont Ada 13, Ecologie pour Paris, Tam-Tam, et bien d’autres ont rejoint l’action. Y compris des élus et hommes politiques (J-M Le Guen, M-P de la Gontrie, Serge Blisko, Gisèle Moreau, Yves Contassot, D. Baupin, D. Cohn-Bendit etc.).

Peu après s’ouvrait la campagne électorale pour la Mairie de Paris…
L’association des locataires (AL) n’a pas souhaité participer à cette action, mais a accepté de signer les manifestes.

Parallèlement, notre Groupe de Travail « 91 quai de la Gare » au sein de la Concertation Paris Rive Gauche a déposé sa demande de restitution et l’a inscrite aux débats.

L’occupation du terrain a duré 4 ans et les débats pour les restitutions 12 ans !

Un premier projet, celui de l’architecte Edith Girard a été validé par la SEM, mais une rue séparait les Frigos du futur site d’ateliers. Nous contestions cette coupure. Le deuxième projet, mieux situé, était celui de Patrick Berger, mais seulement avec 4 ateliers, le reste étant des bureaux.

APLD 91 accompagnée d’autres associations a contesté ce projet au Tribunal Administratif. Avec succès, puisque c’est finalement l’architecte Soler qui a réalisé via Vinci les 4000 m² d’ateliers demandés.

Mais les « anciens » de Mitjavile après tant d’années étaient dispersés jusqu’en province et parfois bien loin. Pourtant certains voulaient revenir à Paris. APLD 91 a fait valoir leur droit en priorité. L’attente a commencé. L’immeuble construit était vide sans aucun locataire.

Il existait pourtant une « commission d’attribution » interne, élue par les locataires. Mais non reconnue par le gestionnaire.

La mise en place de ce G.T. a marqué le troisième succès, la voie ouverte vers une reconnaissance de nos activités et de leur possible maintien.

2006  Le 30 et 31 décembre profitant de l’absence de nombreux locataires un membre d’APLD 91, JpR entre par effraction dans un atelier laissé vide par le propriétaire depuis des années. Il le met à la disposition de trois personnes en attente d’espaces. Finalement ce seront deux qui l’occuperont. Le propriétaire est contraint de les accepter, mais réagit : suit un courrier en mai 2007 envoyé par Hélène Font, directrice des affaires culturelles de la Ville de Paris. Elle propose la reconnaissance d’une commission d’attribution tripartite comprenant les membres de la commission inactive des Frigos. Mais ce courrier d’Hélène Font n’a pas été suivi d’effet. Bien au contraire…

2009  (octobre).

Pour empêcher qu’un atelier ne soit ouvert à nouveau sans autorisation,  l’élu à la Culture, Christophe Girard adjoint au maire de Paris fait attribuer par un jury restreint un atelier clos depuis deux ans à un artiste « hors liste ». La personne citée plus haut demande à l’artiste parachuté de quitter les lieux et soude la porte pour empêcher ce type d’attribution « hors liste ». Christophe Girard fait envoyer une lettre pour proposer un jury d’attribution cette fois élargi à des locataires des Frigos. Une première en France, mais trop tard : au mois de février 2011, la serrure est changée par le représentant de l’APLD 91 et des personnes qui figurent sur la liste interne des demandeurs seront installées.Ces actions ont montré à qui voulait les voir, qu’il était possible de se passer des arcanes administratifs pour résoudre de telles urgences. Mais les gestionnaires commençaient à nouveau à s’inquiéter et disaient à mi-voix que ces procédures ne sont pas « convenables ». Pour éviter d’autres occupations ils ont enfin reconnu la commission d’attribution des Frigos qui avaient ses élus, mais restée virtuelle, sans pouvoir jusque-là.

Ceci sera le QUATRIÈME SUCCÈS, inédit à Paris puisqu’à partir de cette date les ateliers seront attribués par un système moins autocratique qu’à l’accoutumée. Ces coups de force ont donc été utiles.
(*3) ex atelier de l’entreprise Viastael et ex atelier Bichon).

Bémol : Chacun a pu observer les erreurs de la Commission d’attribution. Des amitiés et autres favoritismes ont joué par la suite. Il n’y a pas de commission totalement intègre…

Toutefois, avoir obtenu une structure tripartite de ce type est important.

2012-2013  UN CINQUIÈME SUCCÈS

L’épopée de la reconstruction des « 4 000 m² » est achevée. L’occupation du terrain en 1998 et les actions sur 12 ans s’achèvent avec ce succès.

Les 4 000 m² sont disponibles pour attribution comme convenu à différentes disciplines, pas seulement des plasticiens.

Mais cela commence mal. La réussite de la reconstruction sera teintée de surprises choquantes. Les studios de répétition de musique « Luna Rossa » situés dans le treizième et bien connus des musiciens ont été expropriés par la Ville. Le maire du treizième, Jérôme Coumet, décide de leur offrir en échange un autre lieu. Lequel ? La moitié des 4 000 m² durement gagnés. Ce, sans aucune concertation avec APLD 91 et les associés, initiateurs exclusifs du projet de construction ! Ne resteront que 23 ateliers à attribuer. La commission entre malgré tout en action. Le président de « les Frigos APLD 91 » monte au créneau à la mairie pour éviter de nouvelles attributions cooptées. Le jury présent n’accepte pas ses explications et attribue les ateliers sans en donner un seul à ceux qui ont tout perdu lors de la destruction des ateliers en 1997. Ils ont attendu 16 ans ( ! ) pour rien. Cette seconde vague d’attributions prouve la partialité de la Commission. Pas seulement des élus des Frigos mais aussi celle de la mairie du treizième et de l’Hôtel de Ville, propriétaire. Tous membres de la Commission… Ceci prouve le manque d’ateliers à Paris qui provoque ces pressions « amicales » et qui faussent la régularité des attributions.

Ceux qui étaient à l’origine de la reconstruction peuvent être malgré tout fiers d’avoir donné des ateliers supplémentaires à Paris qui en manque si cruellement. À notre connaissance aucun autre atelier n’a été construit durant cette période. Mais quelle énergie des bénévoles aura été nécessaire sur presque deux décennies pour ce résultat ! Pour la capitale qui se prétend être celle aussi des créateurs, qu’ils soient artisans ou artistes.

Des « vitrines », des lieux pour montrer sont construits : Beaubourg, Orsay, Quai Branly, Palais de Tokyo, le « 104 ». Des lieux de « fabrication » pour remplir ces vitrines ? On en fait de moins en moins.

Alors merci aux plus de 4 600 personnes qui ont signé pour obtenir la construction de ces ateliers, occupés depuis mai 2013 par des designers, marionnettiste, bijoutier, sculpteur ; le mélange des genres tel que suggéré pour ce lieu.

Après ces succès est arrivée la menace d’un changement de cap que la Ville de Paris voudrait imposer fin 2013.

Un lieu qui se fait du mal à lui-même…

Jacques Toubon en tant que maire et la Semapa n’ont pas réussi à détruire nos bâtiments. Leurs successeurs ne pouvaient même pas songer à faire partir les professionnels installés.

Alors quelle menace ? Celle de l’argent… comme souvent. Nos gestionnaires délégués par la Ville ont préparé un cahier des charges qui comprend la question des loyers et la teneur des futurs contrats. Ils comptent le présenter au vote du Conseil de Paris à la session d’octobre.

Peut-être glisseront-ils aussi leur proposition d’échelonner les augmentations sur 3 à 4 ans pour niveler les loyers à 95 € m² annuel. C’est ce qui était prévu.

À suivre.
Août 2013