Médiapart : 91 plus que 104…

TEXTE ADRESSÉ à MÉDIAPART : Sophie Duseu (Cécile Page) 8 rue Brulon, 75012 – 03/08/2010

Quelle ville, pour quels habitants et quelles professions ?

(Certaines difficultés non publiées autour de l’aménagement de Paris Rive Gauche)

91 versus 104 ? Deux sites se cachent derrière ces logos. Comparables, puisque les deux sont des friches industrielles recyclées pour une seconde vie. L’enjeu est de taille. Comment garder dans les grandes villes les métiers d’art, les artistes, mais aussi les artisans. Tous ceux qui dans un lent mouvement se sont vus écartés de Paris ou n’ont pas pu y entrer. Parler des créateurs, pas seulement ceux définis comme artistes, mais dans un sens très élargi du terme est inhabituel ; autant s’appuyer sur deux exemples concrets.

Le premier lieu, le « 91 » est né du hasard, un site d’ateliers qui est devenu par surprise et sans maître d’œuvre, une réussite depuis plus de 25 ans.

Le premier lieu, le « 91 » est né du hasard, un site d’ateliers qui est devenu  par surprise et sans maître d’œuvre, une réussite depuis plus de 25 ans. Le 104 lui, est à ce jour, un échec patent malgré un battage débordant de tous côtés.

Ses concepteurs ont inventé une curieuse façon très administrative de vouloir faire un retour sur investissement.

L’équipement culturel, appelé le « 104 » se voulait être d’un type nouveau. Il a été inauguré en 2008. Ses vicissitudes ont déjà été commentées par divers intervenants. Nous dirons qu’il est bien risqué « d’inventer » ex nihilo et faire fonctionner avec succès une structure dans le domaine bien particulier de la création, sans la participation et les conseils de ses possibles futurs occupants. Le 104 voulait montrer « l’art en train de se faire ». Mais ceux sélectionnés devaient accepter contre la mise à disposition de leurs ateliers de recevoir le public et se montrer en train de travailler. Une sorte de foire où l’on tâterait sinon le jarret, mais l’âme de l’artiste. Curieux marché aux idées, curieuse façon très administrative de faire le retour sur investissement.

Une autre expérience

Nous pensons que créer des sortes de ghettos culturels dont l’activité dépend exclusivement de subventions n’est pas sain et ne réussit que très exceptionnellement. Nous lui opposons le principe de mixité des professions dans un même lieu. Pas de corporatisme créant des cloisons entre l’artiste et « les autres ».

Le « 91 » lui, est un site locatif au cœur de l’aménagement de Paris Rive Gauche. Il est opposable sur tous points au Centquatre. Et a sans doute plus d’avenir…

Un hasard historique a permis la location sans sélection des futurs occupants du 91. Cela a conduit à faire cohabiter plus d’une quinzaine de professions habituellement séparées. S’y côtoient  éditeur, entreprises, artisans, auto entrepreneur, artistes, métiers d’art. 9 000 m² d’activités logées à la même enseigne, sans discrimination. Faute d’avoir assez d’atelier à Paris, ces gens très différents ont dû apprendre à vivre ensemble. Avec plus ou moins de facilité, mais cela a donné des collaborations et une vie relativement économe et socialement étonnant. Récemment la Ville, le second propriétaire depuis quelques années, a fait une tentative à la « 104 » , en voulant y installer un artiste, sans puiser dans la liste, artistes ou pas, de gens qui attendent à la porte pour pouvoir travailler. Ces œillères « culturelles » sont insupportables sur un site qui éclaire d’une manière nouvelle, qu’on le veuille ou non, le vivre ensemble.

L’association APLD 91 compte parmi ses membres un nombre significatif d’artistes, mais elle regroupe toutes personnes intéressées par la mixité sociale. Elle est domicilié dans les ex-Entrepôts Frigorifiques, dits « les Frigos », appelé aussi le « 91 ». Contrairement aux principes fondateurs du « Centquatre », nous sommes avec ceux qui pensent que l’artiste est un homme au travail, comme tout un chacun et que sa place n’est ni au-dessus des autres, ni hors la mêlée, regroupés dans des structures construites sur l’idée de la gratuité pour eux. C’est notre expérience d’un quart de siècle au « 91 » qui nous fait réagir.

Nos loyers sont pris, sans pour autant avoir une reconnaissance et une intégration officielle dans le projet urbanistique de Paris Rive Gauche. Sur les 130 hectares c’est le seul site qui apparaît sur les plans comme « Terra incognita », sans qualificatif. Étrange silence de l’aménageur, montrant l’embarras devant un ovni dont se sont emparés les services culturels de la Ville lors de son rachat. L’action forte et persistante de l’association (des milliers de signatures en témoignent) et quelques oreilles attentives à la Ville nous font penser qu’après des années l’épilogue pourrait être proche pour une solution digne de l’expérience.

Et c’est à cet endroit que l’utilité d’un tel lieu serait mise en évidence, pour qu’il puisse servir d’étalon dans les villes en manque de lieux d’activités de production.

Association APLD 91 – lieu dit des « Frigos ». Et ses 1 500 signataires pour : « Pas de 104 au 91 » !
Jean-Paul Reti , président, Cécile Page, Alexandrine Poinsard, membres du bureau. 

Extrait d’un autre texte

Au sein de la Concertation (la plus importante jamais mise en place en France) à la réunion de clôture avant les vacances administratives, soit au mois de juin, le directeur de la Direction de l’Urbanisme après notre longue intervention a juste laissé tomber devant les experts et autres réunis : « Chimère ». Voici un signe fort montrant la qualité des échanges ! Il faut absolument s’ouvrir à l’opinion publique encore plus et mieux qu’à ce jour.

Le site du « 91 » a permis de créer des emplois.  D’où notre intérêt pour les m² de locaux d’activités projetés sur PRG. Nous participons aux débats au sein de la Concertation pour éviter la construction d’un trop grand nombre de bureaux et pour réussir à faire construire des surfaces « modestes », financièrement accessibles à des entités à « taille humaine » pour les professions que nous représentons. Les PME en particulier et les professions citées n’ont pas assez d’espaces à Paris, alors même que l’économie générale, souffreteuse, en a besoin. Notre démarche est basée sur l’expérience réussie des ateliers des « Frigos » où la mixité est totale, inattendue, représentant 17 professions allant de la création à la production. Cette « mixité verticale » dans un bâtiment est inédite à Paris.

Christian de Portzamparc a dit (entre autres) : « Ce lieu emblématique au cœur du quartier est indispensable ». Quant à la Chambre du Commerce : « L’artisanat, la première entreprise de France ».

De notre cas allant du particulier au général il faut que la démocratie locale assurée par la structure de la Concertation soit respectée. L’enjeu est important.

Symboliquement nous avons soudé la porte d’un local rendant virtuellement impossible son accès. Des textes affichés sur la porte mettent en garde les responsables de la Ville d’y accéder de force.

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